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J'accuse

J'accuse,Zola, lettre pamphlétaire, 1898

Définition

Un pamphlet est un court écrit satirique, qui attaque un adversaire, une situation, un parti politique ou une idée. C’est un texte agressif, violent et souvent bref. Il repose principalement sur la critique ; il fait parti du blâme. Les verbes employés sont violents ainsi que le ton utilisé. Ce caractère vif du pamphlet tient au fait que l’auteur à l’impression de détenir à lui seul la vérité. Il divulgue aux yeux de tout le monde le regard indigné qu’il porte sur le sujet abordé.

Le pamphlet peut se présenter sous différentes formes :

  • une poésie : comme par exemple Joyeuse vie dans le recueil Les Châtiments (1853) de Victor Hugo
  • un roman : comme par exemple celui de Jean Nocher Les Pamphlets atomiques (1947-1949)
  • un court récit : comme par exemple celui de l’Abbé Pierre Roullé (1664)
  • une lettre: comme par exemple J’accuse (1898) d’Émile Zola

Les caractéristiques du pamphlet

Le pamphlet est un genre littéraire à part entière dont le support est soit une brochure (un journal...) soit un livre. Nommé aussi libelle, il est rédigé, le plus souvent, par un seul auteur, qui en réaction avec l’actualité (par exemple le pamphlet J’accuse publié lors de l’affaire Dreyfus (1894-1906) utilise pour défendre ses arguments un ensemble de techniques rhétoriques et stylistiques.

On dégage ainsi plusieurs stratégies d’écriture :

  • l’attaque et la défense : procédé de la dévalorisation ou de la valorisation qui mettent en cause directement l’objet du débat.

Procédés utilisés : vocabulaire péjoratif, l’interpellation de l’adversaire, les termes injurieux et sarcastiques, etc. dans le cadre de l’attaque ; vocabulaire mélioratif, les adresses au locuteur, la louange et l’hyperbole dans le cadre de la défense.

  • l’indignation : l’auteur veut faire partager au lecteur les sentiments qu’il éprouve.

Procédés utilisés : les apostrophes au lecteur, les exclamations, les fausses questions, l’amplification, les superlatifs, les hyperboles et les anaphores.

  • l’ironie : permet de tourner l’adversaire en dérision. Elle crée une complicité avec le lecteur en dénonçant au second degré ce qui est jugé inacceptable.

Procédés utilisés : l’antiphrase (dire le contraire de ce que l’on pense), la périphrase satirique (remplacer un mot d’un niveau de langage élevé, aux connotations valorisantes, par un groupe de mots familiers), le rapprochement satirique (rapprocher dans une même phrase des mots ou des situations appartenant à des domaines totalement différents voire opposé).

  • la provocation : l’auteur provoque pour faire réagir et réfléchir.

Procédés utilisés : le paradoxe, l’antithèse, le jeu de mot, l’exagération, l’apostrophe.

Les différents acteurs du pamphlet

Le pamphlet s’inscrit donc dans la littérature polémique, qui témoigne d’une écriture engagée. On trouve dans ce registre deux acteurs : l’émetteur et le destinataire.

  • l’implication de l’émetteur : le polémiste s’engage dans le débat et témoigne dans le texte de son implication (pronoms personnels « je », « nous », adjectifs possessifs, vocabulaire affectif).
  • l’implication du destinataire : le polémiste sollicite le jugement et la raison de celui à qui il s’adresse, il le prend à témoin en l’impliquant dans son discours (pronoms personnels « tu », « vous », apostrophe, fausses questions).

L’histoire du pamphlet

Le terme « pamphlet », de l’anglais pamphlet, apparaît de manière officielle en 1824 dans l'œuvre de Paul Louis Courier : Le Pamphlet des pamphlets.

Pamphlet courier

Illustration de la page de couverture du Pamphlet des pamphlet, P.L Courier, 1824

Le pamphlet français, depuis le Moyen-âge jusqu’à la révolution témoigne de l’évolution de l’histoire et révèle la situation intellectuelle et sociale du pays ainsi que l’importance laissée à la liberté d’expression. Le XVIIe siècle marque le développement du genre pamphlétaire dans tous les domaines : politique, poésie, religion, théâtre. Durant le règne de Louis XVI, les écrits virulents et insultants se multiplient. Après son règne et surtout durant la révolution, ce genre d’écrits se développe de plus en plus comme l’explicite la publication de Camille Desmoulins, Les Révolutions de France et de Brabant ou encore Journal politique national de Rivarol.

Au fil de l’histoire, le pamphlet s’est manifesté comme un des principaux moyens de réaction et d’expression de révolte des écrivains. Les critiques contre ce genre d’écrit et les moyens mis en œuvre pour le faire disparaitre sont toujours d’actualité comme Bagatelle pour un massacre (1937) extrait du recueil Écrits polémiques de Céline.

Exemple

Analyse d’un pamphlet de l’Abbé Roullé, 1664 D’après les recherches effectuées ci-dessus, voici un exemple de pamphlet avec le relevé des caractéristiques stylistiques correspondantes à ce genre de texte.

Introduction :

  • circonstance de production : après la première représentation de Tartuffe lors du Festival de l’île enchantée
  • texte écrit en 1664 par Pierre Roullé, curé de St Barthélemy
  • pamphlet : court texte satirique, caractérisé par la violence => appartient au genre polémique
  • but du texte : dénoncer la pièce de Molière et l’auteur lui-même + influencer le roi pour interdire la pièce

Un éloge hyperbolique du roi

Cette première partie constitue la captatio benevolentiae ; but : complimenter, glorifier le roi :

  • Vocabulaire hyperbolique de l’éloge
  • Utilisation de la 3eme personne
  • Énumération de qualificatif mélioratif

La condamnation de Molière et de son œuvre

L’auteur accuse violemment Molière en employant un vocabulaire virulent et péjoratif :

  • Vocabulaire hyperbolique péjorative
  • Présence de superlatif péjoratif
  • Anaphore du mot impie

Le roi chrétien exemplaire

Dans cette dernière partie, l’auteur change de ton pour mettre en valeur l’attitude glorieuse du roi , lui adressant ainsi à nouveau des louanges :

  • Pronom personnel de la 3eme personne
  • Image hyperbolique du roi

Conclusion

L’auteur donne une leçon maladroite au roi en lui dictant la conduite qu’il doit suivre. En effet, à la publication de ce texte, le roi n’a toujours pas donné son verdict à propos de la représentation de la pièce de Molière. L’Abbé Roullé écrit ce pamphlet avec l’objectif de convaincre le roi d’interdire la pièce, faisant preuve d’une grande audace, voire d’irrespect à l’encontre de Louis XIV, en devançant des décisions qu’ils n’avaient pas encore arrêtées.

Texte: Le pamphlet d’un homme d’Église, curé de Saint Barthélémy, qui obtint de présenter à Louis XIV cet ouvrage où la charge contre Molière et sa pièce est particulièrement violente.

Sa Majesté est maintenant en son château royal de Fontainebleau, qu’elle a pris très-grand soin elle-même qu’il fut fait beau, délicieux, agréable, parfait et accompli de toutes parts, sans que rien n’y manque pour sa gloire : mais il n’y est allé qu’après une action héroïque et royale, véritablement digne de la grandeur de son cœur et de sa piété, et du respect qu’il a pour Dieu et pour l’Eglise, et qu’il rend volontiers aux ministres employés de leur part pour conférer les grâces nécessaires au salut. Un homme, ou plutôt un démon vêtu de chair et habillé en homme, et le plus signalé impie et libertin qui fût jamais dans les siècles passés, avait eu assez d’impiété et d’abomination pour faire sortir de son esprit diabolique une pièce toute prête d’être rendue publique, en la faisant monter sur le théâtre, à la dérision de toute l’Eglise, et au mépris du caractère le plus sacré et de la fonction la plus divine, et au mépris de ce qu’il y a de plus saint dans l’Eglise, ordonné du Sauveur pour la sanctification des âmes, à dessein d’en rendre l’usage ridicule, contemptible, odieux. Il méritait par cet attentat sacrilège et impie un dernier supplice exemplaire et public, et le feu même, avant-coureur de celui de l’enfer, pour expier un crime si grief de lèse-majesté divine, qui va à ruiner la religion catholique, en blâmant et jouant sa plus religieuse et sainte pratique, qui est la conduite et la direction des âmes et des familles par de sages guides et conducteurs pieux. Mais Sa Majesté, après lui avoir fait un sévère reproche, animé d’une juste colère, par un trait de sa clémence ordinaire, en laquelle il imite la douceur essentielle à Dieu, lui a, par abolition, remis son insolence et pardonné sa hardiesse démoniaque, pour lui donner le temps d’en faire pénitence publique et solennelle toute sa vie. Et afin d’arrêter avec succès la vue et le débit de sa production impie et irréligieuse et de sa poésie licencieuse et libertine, Elle lui a ordonné, sur peine de la vie, d’en supprimer et déchirer, étouffer et brûler tout ce qui en était fait, et de ne plus rien faire à l’avenir de si indigne et infamant, ni rien produire au jour de si injurieux à Dieu et outrageant l’Eglise, la religion, les sacrements, et les officiers les plus nécessaires au salut ; lui déclarant publiquement, et à toute la terre, qu’on ne saurait rien faire ni dire qui lui soit plus désagréable et odieux, et qui le touche plus au cœur, que ce qui fait atteinte à l’honneur de Dieu, au respect de l’Eglise, au bien de la religion, à la révérence due aux sacrements […].
- Pierre Roullé, Le Roi glorieux au monde, 1664

Bibliographie

Sites internet :

Ouvrages :

  • Méthodes et Techniques, classe des lycées, Nathan
  • Terres littéraires, 1ère français, Hatier

Sources

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